J'ai saigné

« J’étais donc là, guettant l’ange de la mort qui s’apprêtait à me fondre dessus pour me prendre dans ses ailes molles et chaudes, et m’asphyxier la tête sous son aisselle, et je devinais déjà sa présence transparaître dans le décor qui devenait flou quand je perçus, tout à coup, un frissoulis de robes, le tressaillement d’un chapelet et de menus médailles et, comme un grignotement de souris dans le silence, un pas furtif qui glissait dans l’escalier. »

Septembre 1915, guerre de tranchée et folie humaine. Engagé volontaire sur le front en Champagne, Blaise Cendrars, amputé de son bras droit, rejoint un hospice transformé en hôpital militaire. Dans ce lieu de désolation grouillant de soldats blessés, l’humanité triomphe de l’horreur grâce aux prières de sœur Philomène et aux soins de Mme Adrienne, l’infirmière qui panse les plaies du corps et les déchirures de l’âme.

J’ai saigné est un récit de la main gauche, celle du cœur de ce poète-aventurier qui fit renaître son art des cendres de la guerre. Sans emphase ni fausse pudeur, Jean-Yves Ruf vibre de ces images terribles et belles de souffrance et d’espoir. Un touchant hommage à l’empathie dans une mise en scène où l’équilibre entre drame et légèreté tient du miracle de la vie.